Jane Austen
publié en 1813
270 pages
Genre : roman
Titre original : Pride and Prejudice

Mon incontournable
Lorsque je choisis un livre, que ce soit en librairie, à la bibliothèque ou sur les étagères d’un ami, la lectrice passionnée que je suis a un petit rituel incontournable : lire la première et la dernière phrase pour se donner envie d’en découvrir plus. Et c’est parfois très parlant !

C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l’on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu’il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l’une ou l’autre de leurs filles.

 

Darcy, aussi bien que sa femme, éprouvait pour eux une affection réelle ; et tous deux conservèrent toujours la plus vive reconnaissance pour ceux qui, en amenant Elizabeth en Derbyshire, avaient joué entre eux le rôle providentiel de trait d’union.

 

Décidément, le 19ème est un siècle qui m’attire quand il s’agit de choisir un roman pour le Challenge Lecture 2018 des Éditions J’ai lu ! Ce n’est pourtant pas ce qui oriente mes choix, je cherche avant tout des romans que j’ai envie de découvrir. Il faut croire qu’il s’agit d’un siècle riche en potentiel littéraire !
Jane Austen fait partie de ces auteurs dont j’ai beaucoup entendu parler, que je n’ai jamais lus mais qui sont sur ma liste d’auteurs « à lire plus tard, quand j’aurai le temps ou rien de mieux à lire, parce que c’est tellement un classique de la littérature que j’ai peur de me faire chier ». Pas forcément très flatteur…
Pourtant j’ai choisi volontairement de lire « Orgueil et préjugés ». Pourquoi ? D’abord parce que ça cochait la catégorie du livre mentionné dans un autre livre, en l’occurrence dans « Le journal de Bridget Jones » même si Helen Fielding se réfère plus à la série de la BBC avec Colin Firth qu’au roman original. Ensuite parce que même si j’y suis allée à reculons, j’étais quand même curieuse de me rendre compte par moi-même de la raison pour laquelle Jane Austen est une femme de lettres aussi renommée. Et pour finir, la première phrase lue à la la bibliothèque m’a définitivement décidée à l’emprunter, me donnant un avant-goût prometteur de ce que je pourrais trouver dans ses pages.

Classique de la littérature d’outre-Manche, « Orgueil et préjugés » décrit avec un humour typiquement britannique les aventures sentimentales des cinq sœurs Bennet que leur mère cherche à tout prix à marier. L’histoire est racontée du point de vue d’Elizabeth, la deuxième sœur, au rythme de  ses réflexions acérées sur la société et les gens qui l’entourent.
De la réservée Jane qui ne voit jamais le mal chez autrui à l’impétueuse Lydia qui ne vit que pour les frivolités, de l’austère Mr Darcy qui dissimule soigneusement la richesse de son caractère au pompeux Mr Collins qui se répand en flagorneries devant la noblesse, Jane Austen dépeint une galerie de portraits pittoresques et attachants.
Séduite dès les premiers chapitres, j’ai pris un grand plaisir à cette lecture. Un style léger, beaucoup d’humour, une intrigue simple mais efficace, des rebondissements qui tombent à point, des dialogues bien tournés, ce sont les ingrédients de qualité de ce roman.

Chose rare, j’ai beaucoup ri au fil des pages. L’un des passages les plus drôles est sans aucun doute la demande en mariage peu banale que reçoit Elizabeth, son prétendant réussissant l’exploit d’en faire une insulte !
« – En vain ai-je lutté. Rien n’y fait. Je ne puis réprimer mes sentiments. Laissez-moi vous dire l’ardeur avec laquelle je vous admire et je vous aime.
Elizabeth stupéfaite le regarda, rougit, se demanda si elle avait bien entendu et garda le silence.
[…]
Il parlait bien, mais il avait en dehors de son amour d’autres sentiments à exprimer et, sur ce chapitre, il ne se montra pas moins éloquent que sur celui de sa passion. Son inclination s’était toujours violemment heurtée, disait-il, à la conscience de commettre une mésalliance et à l’obstacle que représentait la famille d’Elizabeth. Tout cela fut détaillé avec une chaleur bien naturelle si l’on songeait au sacrifice que faisait sa fierté, mais certainement peu propre à plaider sa cause. »
Une telle demande ne pouvait qu’obtenir une réponse négative, mais tout aussi savoureuse, Elizabeth n’ayant pas la langue dans sa poche quand il s’agit d’exprimer une opinion à la limite de la politesse.
« Tandis qu’il prononçait ces paroles, il était facile de voir qu’il ne doutait pas de recevoir une réponse favorable. Il parlait bien de crainte, d’anxiété, mais sa contenance exprimait la sécurité. Rien n’était plus fait pour exaspérer Elizabeth, et, dès qu’il eut terminé, elle lui répondit, les joues en feu :
– En une circonstance comme celle-ci, je crois qu’il est d’usage d’exprimer de la reconnaissance pour les sentiments dont on vient d’entendre l’aveu. C’est chose naturelle, et si je pouvais éprouver de la gratitude, je vous remercierais. Mais je ne le puis. Je n’ai jamais recherché votre affection, et c’est certes très à contrecœur que vous me la donnez. 
[…]
– Ainsi, c’est là toute la réponse que j’aurai l’honneur de recevoir ! Puis-je savoir du moins, pourquoi vous me repoussez avec des formes que n’atténue aucun effort de politesse ? Mais, au reste, peu importe !
– Je pourrais aussi bien vous demander, répliqua Elizabeth, pourquoi, avec l’intention évidente de me blesser, vous venez me dire que vous m’aimez contre votre volonté, votre raison, et même le souci de votre réputation. N’est-ce pas là une excuse pour mon impolitesse – si impolitesse il y a ? »
Une bien longue citation mais c’est un moment tellement jouissif dans le roman que je n’ai pas résisté au plaisir de la partager. Elizabeth tombe tellement des nues devant cette déclaration d’un homme qui l’horripile depuis leur première rencontre, alors que le lecteur, complice de l’auteur, le voit venir depuis de nombreux chapitres.

Tout comme dans « La mare au diable » et « La dame aux camélias », les deux autres romances du 19ème siècle lues précédemment dans le cadre du Challenge, l’auteur nous fait entrer dans le quotidien d’une classe de la société de cette époque. Mais si dans le premier le monde paysan est sublimé et dans le second le demi-monde parisien fidèlement dépeint, Jane Austen fait, elle, une critique amusée de la haute bourgeoisie anglaise et de ses travers.
En effet, à cette époque, seul un bon mariage permet d’assurer à une femme de la gentry un statut social et financier, ce qui explique l’obsession de Mrs Bennet à marier ses filles, d’autant plus qu’elles n’hériteront de presque rien à la mort de leur père. Cette « chasse au mari » qui peut nous paraître risible nous est d’ailleurs présentée dès la première phrase du roman, même si Jane Austen fait preuve d’ironie en la retournant.
Quant aux unions célébrées dans le roman, Charlotte fait un mariage de raison en choisissant d’épouser un homme d’église aux qualités rares et discutables mais aux revenus assurés, Lydia se jette à la tête d’un coureur de dot sans le sou pour le seul plaisir de devenir une femme mariée alors que Jane et Elizabeth font le mariage « parfait », savant mélange d’amour et de respect.

En conclusion, ce roman m’a laissé une si bonne impression que j’ai l’intention de poursuivre ma découverte de l’œuvre de Jane Austen avec « Raison et sentiments ». À suivre !

 

Challenge Lecture 2018

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