Faïza Guène
publié en 2004
169 pages
Genre : roman

Mon incontournable
Lorsque je choisis un livre, la lectrice passionnée que je suis a un petit rituel incontournable : lire la première et la dernière phrase pour se donner envie d’en découvrir plus.

C’est lundi, et comme tous les lundis, je suis allée chez Mme Burlaud.

[…]

Faut que je côtoie moins Nabil, ça me donne de forts élans républicains…

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En vacances dans notre jungle luxuriante des Deux-Sèvres, j’ai choisi de piocher parmi les nombreux ouvrages non lus qui prennent la poussière sur les rayons de ma bibliothèque pour satisfaire mon loisir préféré : la lecture !

Pas vraiment de raison particulière sur le choix de ce roman. Ni de souvenir sur la raison qui m’a poussée à l’acheter à l’époque.
Premier roman de la jeune Faïza Guène alors âgée de 19 ans, je suppose que j’ai été attirée par le résumé qui collait bien à son époque. Et cela n’a pas changé quinze ans plus tard.

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À quinze ans, Doria vit seule avec sa mère dans une cité HLM de la banlieue parisienne. Son père est retourné au Maroc épouser une femme plus jeune qui, elle, lui donnera un fils. Sa mère, qui ne sait ni lire ni écrire le français, fait le ménage dans un hôtel Formule 1. Financièrement c’est difficile, même avec la solidarité des voisins et les visites de « Mme Duquelquechose » l’assistante sociale.

Son quotidien est rythmé par les rendez-vous avec la psychologue qui sent le Parapoux, les discussions avec Hamoudi, un grand de la cité qui l’a connue alors qu’elle était « pas plus haute qu’une barrette de shit », le nul Nabil qui l’aide pour ses devoirs, les nouvelles de Tante Zohra, la jolie Lila, Samra et les autres.
Le tout ponctué de références télévisuelles et d’un vocabulaire imagé.

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Chronique de la banlieue tendre et réaliste, « Kiffe kiffe demain » se lit un peu comme un journal intime, tranches de vie de cette adolescente à laquelle il est facile de s’identifier.

Les chapitres sont courts, dynamiques. Le style donne l’impression au lecteur d’entendre Doria raconter sa vie. Un langage parlé et surtout un humour qui a provoqué chez moi de grands éclats de rire à certains passages.
« Ça ressemble vraiment pas à ce que j’avais imaginé pour mon premier baiser. Non, moi, je voyais plutôt ça dans un décor de rêve, au bord d’un lac, en forêt, au soleil couchant avec un super type qui ressemblerait un peu au mec qui joue dans la pub pour les vitamines, celui qui fait un demi-tour sur sa chaise, se met bien face à la caméra avec son sourire dentifrice et fait « Si juvabien, c’est Juvamine ! »

Faïza Guène nous offre ici un savoureux mélange de naïveté et de tendresse, truffé d’éclairs de réalisme cru.
« Je me dis que c’est peut-être pour ça que les cités sont laissées à l’abandon, parce que ici peu de gens votent. On est d’aucune utilité politique si on vote pas. Moi, à dix-huit ans, j’irai voter. Ici, on n’a jamais la parole. Alors quand on nous la donne, il faut la prendre. »
Un roman parfois classé au rayon Littérature Jeunesse mais que j’ouvrirais plus largement à tous. Et qui a d’ailleurs reçu un accueil à la hauteur du talent de son auteur.

Beaucoup de thèmes d’actualité abordés, toujours avec une légèreté de ton et sans prosélytisme aucun. La pauvreté dans les banlieues, la précarité, l’alphabétisation, la mixité sociale, la société moderne qui se heurte aux traditions culturelles et religieuses, la radicalisation en prison…
« Il a dû rencontrer des gens étranges en zonzon, Youssef, lui qui était si tranquille avant et surtout plus ouvert que la plupart des types de son âge… Aujourd’hui il parle de péchés graves, de punitions divines […] Quelqu’un a dû profiter de sa fragilité carcérale pour lui rentrer de grosses disquettes dans la cervelle. »

Un roman vivant qui parle de la vie !