Robin Hobb
publié en 1995
568 pages
Genre : fantasy
Titre original : Assassin’s Apprentice
Premier volume de la série en 6 volumes (en France) de L’Assassin Royal

Mon incontournable
Lorsque je choisis un livre, la lectrice passionnée que je suis a un petit rituel incontournable : lire la première et la dernière phrase pour se donner envie d’en découvrir plus.

L’histoire des Six-Duchés se confond nécessairement avec celle de leur famille régnante, les Loinvoyant.

[…]

Quelque part, un ami répond doucement « Non. »

***

Parmi tous les livres que j’ai aimés, et ils sont nombreux, il y en a que je relis régulièrement pour le plaisir de retrouver l’histoire, les personnages, l’univers en général. Ils sont un peu comme un doudou familier – j’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans la critique du premier tome de la saga préhistorique Les enfants de la Terre de Jean M. Auel.
Et il en est d’autres que je n’ose relire, de peur que les émotions ressenties à la découverte de l’œuvre ne soient plus présentes à la relecture. Comme si la magie et la force des émotions transmises par l’auteur risquaient de s’envoler, de disparaître derrière le « déjà lu ».

L’Assassin Royal de Robin Hobb fait incontestablement partie de la seconde catégorie.
Cette saga de fantasy en six volumes, du moins en ce qui concerne la première partie du riche univers du Royaume des Anciens qui compte plus d’une trentaine de volumes à ce jour, je l’ai lue il y a une dizaine d’années. Et elle m’a fait une telle impression que je n’ai jamais osé rouvrir les livres.
L’histoire en elle-même qui m’a transportée dans le Royaume des Six-Duchés. Les différentes magies, les peuples, les destins des personnages. Ceux que l’on accompagne tout au long d’une vie. Ceux que l’on hait du plus profond de notre âme. Et ceux qui nous touchent, qui résonnent en nous. Qui nous marquent à jamais.
Tout le talent d’un auteur en quelques mots.

C’est donc parce que j’ai adoré ces romans que je ne les ai jamais relus. Jusqu’à aujourd’hui. Et si vous me demandez ce qui m’a soudain poussée à franchir le pas, je vous dirai qu’il y a des moments dans la vie qui sont comme un coup de massue. Et quand le sommeil vous fuit, vous avez besoin de vous perdre ailleurs.
Alors me voici donc, en ce pluvieux mois de mai, à redécouvrir « L’apprenti assassin » de Robin Hobb…

***

Un soir d’hiver dans la région des montagnes du royaume des Six-Duchés, un vieil homme se présente devant une forteresse royale accompagné d’un gamin de six ans. Il annonce au garde venu lui ouvrir que l’enfant est le bâtard du fils aîné du roi et que c’est à lui dorénavant de s’en occuper.
C’est ainsi que débutent les souvenirs de Fitz, héros et narrateur de cette histoire.

D’abord élevé à la cour du roi Subtil par le maître des écuries, ancien homme lige de ce père qu’il ne rencontrera jamais et qui renoncera au trône de par sa simple existence, Fitz n’a pas une vie facile. Haï par les uns, ignoré par les autres, il n’a sa place nulle part au château. Jusqu’au jour où le roi Subtil décide d’acheter sa loyauté et de faire de lui un assassin royal.
Commencent alors un long apprentissage et une double vie qui le mèneront aux portes de la mort, entre complots intérieurs et attaques extérieures, entre fidélité et trahison, entre l’Art et le Vif.

***

Il ne m’aura pas fallu plus de quelques pages, à peine quelques chapitres, pour être de nouveau happée par le roman de Robin Hobb, dont je vous invite à découvrir le site en anglais.
Et encore, ce n’est que le premier tome de L’Assassin Royal, juste une mise en bouche pour que le royaume et les personnages nous deviennent familiers. Juste assez pour n’avoir qu’une envie, une fois la dernière page tournée, aller chercher la suite sur l’étagère !

Il est difficile de dire à quoi cela tient, exactement. Au talent de l’auteur, c’est certain.
Cette faculté que Robin Hobb a de nous rendre vrais, réels, les personnages qu’elle fait vivre et souffrir sous sa plume, comme par une empathie littéraire. Ces décors que l’on visualise sans que les descriptions ne viennent alourdir la narration. Ces intrigues de cour qui ne sont que la vision moyenâgeuse et extrême des intrigues politiques contemporaines.
Sans oublier les citations qui débutent chaque chapitre, éclairant notre connaissance du royaume des Six-Duchés, son histoire, ses coutumes, commentaires de Fitz sur son passé avec son regard d’homme que la vie n’a pas épargné.

Je vais même vous faire un aveu. Bien loin d’avoir perdu l’alchimie de la première lecture découverte, relire « L’apprenti assassin » me permet de réaliser ce que je n’y avais pas vu la première fois.
Connaissant à présent l’histoire, les secrets, l’avenir du royaume et des personnages, je vois tous les indices que Robin Hobb a glissés dans les pages de ce roman, et des suivants que je tarderai pas à relire également. Je prends plaisir à voir se dessiner les événements, à comprendre les rouages des intrigues pour le pouvoir.

Et je retrouve avec un plaisir encore plus grand ces perles qui jalonnent les pages.
Comme les sages paroles du roi Subtil quand sa seconde épouse et le fils issu de cette union évoquent l’éventualité de se débarrasser de l’importun bâtard : « Ne fais jamais ce que tu ne peux défaire avant d’avoir réfléchi à ce que tu ne pourras plus faire une fois que tu l’auras fait. » 
Ou encore quand Fitz prend conscience qu’il n’aura jamais la liberté de se choisir une vie, un avenir, que sa condition de bâtard l’enferme à jamais dans le rôle d’instrument du roi, ces mots de celui qui le forme pour devenir à son tour assassin royal : « Ce n’est pas obligatoirement affreux, fit Umbre doucement. Nous nous fabriquons souvent nous-mêmes nos propres prisons. Mais on peut aussi créer sa propre liberté. »
Des réflexions dont la justesse est toujours de mise.

De cette relecture, je garde le sentiment que « L’apprenti assassin » est une belle porte d’entrée dans la fantasy pour quelqu’un qui n’est pas familier avec ce genre littéraire. Ne serait-ce que parce qu’il forme un tout qui n’implique pas nécessairement de lire les autres volumes de la longue, de la très longue série que sont souvent les sagas de fantasy.
Alors si vous hésitez, laissez-vous tenter ! Je vous promets que vous ne le regretterez pas.

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Lire la critique du deuxième volume de L’Assassin Royal, L’assassin du roi.