Maurice Maeterlinck
publié en 1908
170 pages (6 actes et 12 tableaux)
Genre : pièce de théâtre

Mon incontournable
Lorsque je choisis un livre, la lectrice passionnée que je suis a un petit rituel incontournable : lire la première et la dernière phrase pour se donner envie d’en découvrir plus.

ACTE PREMIER – Premier Tableau – La Cabane du Bûcheron
Le théâtre représente l’intérieur d’une cabane de bûcheron, simple, rustique, mais non point misérable.

[…]

TYLTYL. – Nous en avons besoin pour être heureux plus tard…
Rideau.

***

Lorsque j’étais petite fille, je passais toutes mes vacances scolaires chez mes grands-parents maternels et, tandis que ma mère se ressourçait en discutant avec ses parents, en préparant des conserves de légumes du jardin ou en remplissant des grilles dans des magazines de jeux, je lisais et relisais tout ce qui me tombait sous la main jusqu’au milieu de la nuit. Les livres de la comtesse de Ségur, des romans jeunesse de la première moitié du vingtième siècle, l’hebdomadaire La Semaine de Suzette – mes premières bandes dessinées !
Sur une étagère de la bibliothèque, il y avait une collection de livres reliés, couverture blanche et titre doré, qui me faisaient rêver. Gigi de Colette, L’oiseau bleu de Maurice Maeterlinck, et d’autres dont j’ai oublié le nom. J’y repense aujourd’hui avec cette nostalgie souvent associée aux souvenirs d’enfance.

Mais si j’y repense aujourd’hui, ce n’est pas complètement par hasard. C’est à cause d’une séance de méditation intitulée Méditation de l’oiseau qui a soudain fait rejaillir ces souvenirs de ma mémoire. Qui m’a donné envie de redécouvrir cette fable merveilleuse, en me demandant si la magie opérerait encore à l’âge adulte.
J’ai donc envoyé un mail à la bibliothèque municipale, ouverte uniquement aux retraits sur réservation depuis le déconfinement du mois de mai dernier. Une semaine plus tard, je tenais le petit ouvrage entre mes mains et j’étais prête à ce voyage, en féerie et dans le passé…

***

C’est la veille de Noël dans une pauvre maison de bûcheron. Les deux enfants, Tyltyl et Mytyl, observent par la fenêtre le sapin, les cadeaux et les délicieux petits gâteaux chez les plus riches. C’est alors qu’une fée fait irruption dans la pièce et leur demande de partir à la recherche du mythique oiseau bleu afin de guérir sa petite fille qui est très malade.
Elle leur confie un chapeau orné d’un diamant magique qui permet, entre autre, de révéler l’âme des objets. Et c’est en compagnie de la Lumière, du Chien, de la Chatte, du Pain, de l’Eau et de quelques autres que les enfants entament leur quête de l’Oiseau bleu au pays du Souvenir, dans le Palais de la Nuit, dans le Jardin des Bonheurs ou au Royaume de l’Avenir…

***

Visiblement, j’ai gardé en moi une parcelle de mon âme d’enfant sensible à la féerie. Au fil des tableaux, j’ai voyagé avec Tyltyl et Mytyl, m’émerveillant devant les mondes qu’ils découvrent, des mondes dans lesquels l’homme n’avait jamais mis les pieds.
J’aime la révélation qu’ils ont dans le premier visité que les morts ne sont pas réellement morts tant qu’ils vivent dans notre souvenir. C’est quelque chose qui me touche particulièrement, une telle évidence quand on prend le temps d’y réfléchir.
J’aime également l’idée de l’âme des choses et créatures qui nous entourent. C’est poétique, merveilleux… jusqu’au moment où l’on réalise que c’est également effrayant !

Ainsi, la lecture que je fais aujourd’hui du texte de Maurice Maeterlinck est plus au second degré. Je vois les idées sous-jacentes, la crainte de tous ces personnages féeriques qu’en trouvant l’Oiseau bleu qui peut révéler « le grand secret des choses et du bonheur », l’homme « saura tout, verra tout ». Comme une résistance de la nature et de ses mystères face à la soif de connaissance et de domination de l’homme.
Ces traits de caractère, on les retrouve déjà chez Tyltyl qui n’est pourtant qu’un enfant. Lorsqu’il se présente au palais de la Nuit, il fait preuve de cette arrogance dans l’affirmation face au manque d’empressement de la Nuit à le laisser accéder à ce que dissimulent les portes de son palais.
« LA NUIT. – Mais, mon petit ami, tu comprends bien que je ne puis donner ainsi mes clefs au premier venu… J’ai la garde de tous les secrets de la Nature, j’en suis responsable et il m’est absolument défendu de les livrer à qui que ce soit, surtout à un enfant…
TYLTYL. – Vous n’avez pas le droit de les refuser à l’Homme qui les demande… je le sais… »

En comparaison de cette arrogance dont il fait preuve dans toute leur aventure, sa sœur apparaît comme une pauvre petite chose craintive, pleurnicharde et qui, dans le fond, ne sert strictement à rien. C’est au petit garçon qu’est confié le diamant, c’est lui qui dirige leurs pas, qui tient tête à la Nuit ou aux êtres de la forêt, c’est lui qui capture l’oiseau bleu et l’offre à la petite fille malade. Bref, c’est la domination de l’Homme sur la nature, mais aussi de l’homme sur la femme.
Et voilà mon côté féministe qui ressort alors que je ne m’y attendais pas !
Pourtant, ce n’est pas tant un conte antiféministe qu’un conte paternaliste où l’on sent l’influence de la morale chrétienne, qui a elle-même longtemps placé l’homme au-dessus de la femme, cette vile tentatrice symbole du péché.

Bref…

N’allez pas croire que je n’ai pas apprécié cette relecture. Mais les yeux de l’adulte que je suis aujourd’hui voient ce qu’ils ne pouvaient voir à l’époque. Non pas les défauts de cette pièce de théâtre de Maurice Maeterlinck, mais le reflet de son époque.
Quant à la magie, elle n’a pas d’âge et je me plais à imaginer une version plus moderne de cette fable féerique.

***

Et sinon, saviez-vous qu’il y avait eu une adaptation en dessin animé de cette pièce de théâtre ? Je l’ai découvert en lisant les critiques publiées sur Babelio.
Pour le plaisir, je vous mets le lien vers le générique. N’hésitez pas à me dire si vous connaissez, si vous avez aimé ou pas, pourquoi…