Jacques-Olivier Boudon
publié en 2017
271 pages
Genre : témoignage historique

Mon incontournable
Lorsque je choisis un livre, la lectrice passionnée que je suis a un petit rituel incontournable : lire la première et la dernière phrase pour se donner envie d’en découvrir plus.

« Heureux mortel. Quand tu me liras, je ne serai plus », écrit Joachim Martin sur l’une des planches retrouvées.

[…]

Il l’a fait en lançant des messages aux générations futures, les invitant à ne pas oublier ce monde perdu qui fut le sien.

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L’une des choses qui m’a le plus perturbée, au début du télétravail pendant le confinement, c’est le silence de l’appartement. Pas de collègues qui discutent dans le couloir, pas de téléphone qui sonne dans le bureau voisin, pas d’imprimante qui ronronne au loin. Juste le silence, à peine perturbé par le passage épisodique d’une voiture dans la rue.
Pour tromper ce silence ennemi, j’ai écouté de la musique, j’ai rattrapé mon retard dans les émissions que je suis habituellement sur internet, j’ai testé différents sons de relaxation. Puis je suis tombée sur un excellent podcast intitulé True Story. En une dizaine de minutes chaque semaine, Andrea Brusque partage avec nous des histoires vraies, insolites ou bouleversantes, sur des personnes célèbres ou inconnues.

J’ai tout de suite accroché à ce concept. Reprenant les émissions depuis le tout début, en décembre 2018, je suis rapidement arrivée à l’épisode « Le parquet de Joachim Martin ».
Au début des années 1880, Joachim Martin, menuisier de son état, refait le plancher de certaines pièces du château de Picomtal dans le petit village des Hautes-Alpes dans lequel il vit depuis toujours. Au dos des planches qu’il pose, il laisse un témoignage au crayon de son époque : sa vie, les secrets des villageois entre autres choses.
L’histoire en elle-même m’interpelle, une sorte de journal intime qui n’est destiné à être lu que bien après la mort de son auteur. Mais à la fin de l’émission, j’apprends que les 72 textes du menuisier ont été regroupés dans un ouvrage par un historien de la Sorbonne. C’est décidé, il faut que je le lise !

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Alors qu’il est de passage dans la région sur les traces de Napoléon, Jacques-Olivier Boudon passe la nuit dans une chambre d’hôte au château de Picomtal. Là, il assiste à un spectacle qui retrace l’histoire du château, mettant en scène un menuisier qui raconte la vie du village à la fin du dix-neuvième siècle. Une histoire vraie qui passionne l’historien et l’amène à délaisser Napoléon pour Joachim Martin.
Au fil des pages et des chapitres, Jacques-Olivier Boudon pose le contexte historique et géographique de la vie de Joachim Martin, avant de nous présenter les textes du menuisier, ainsi qu’une lettre qu’il a écrite au préfet des Hautes-Alpes.

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Si j’étais emballée par l’histoire derrière le livre, je n’avais aucune idée de la manière dont « Le plancher de Joachim » allait se présenter.
J’avais bien conscience que soixante-douze textes écrits au dos de planches en bois ne devaient pas être très longs, mais à quel point ? Concrètement, ils tiennent sur treize des deux cent soixante-dix pages de l’ouvrage et ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Comment comprendre le témoignage d’une époque sans connaître l’époque en question ? C’est à cela que s’attelle l’historien dans la majeure partie du livre. Généalogie de Joachim Martin, histoire et géographie du village, du château. Contexte politique, social, culturel, religieux. Remettre en perspective l’Histoire pour comprendre celle d’un village de la fin du dix-neuvième siècle.
Évidemment, cela amène un peu de lourdeur dans la lecture, avec une chronologie familiale parfois fastidieuse dans la succession des dates de naissance, mariage et décès de chacun des ancêtres de Joachim, ou des propriétaires du château, des maires du village… Un arbre généalogique reconstitué dans les appendices auraient sans doute été plus parlant.

Par contre, étant donné mes maigres connaissances sur cette période de l’histoire de France – soyons honnête, elles frôlent le zéro absolu ! – j’ai apprécié ce cours d’histoire abrégé. J’aurais sans doute pris plaisir à lire les textes de Joachim sans cela, mais je n’y aurais pas vu les références que Jacques-Olivier Boudon explique tout au long de ces pages préliminaires.
Le travail de recherches qu’il a effectué m’apparaît aussi colossal que passionnant. Comprendre les allusions de certains textes en retraçant les événements du village, les mœurs de l’époque. Comme un archéologue qui met à jour un site enfoui sous la terre, faisant revivre une époque d’une multitude de détails.
C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai choisi, en introduction de cet article, la première et la dernière phrase des neuf chapitres qui constituent l’essentiel de l’ouvrage, pour leur unité dans le contexte de l’histoire que raconte le menuisier.

Au final, « Le plancher de Joachim » est pour moi l’illustration des cours d’histoire que j’aurais souhaité avoir, la découverte d’une époque par le quotidien des personnes qui l’ont vécue et non par la succession des règnes et des batailles qui m’ont rendue hermétique à l’histoire.

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Challenge Lecture 2020

  • un roman historique
    (même si effectivement, il s’agit plus ici d’un ouvrage historique que d’un roman, j’en ai bien conscience)

Les autres catégories du challenge sont à découvrir ici.