Plusieurs jours passèrent. Les jeunes gens se creusaient la tête pour trouver le moyen idéal pour permettre à Irina de rencontrer enfin son actrice de mère.
Un instant séduite par l’idée de Fabien de profiter d’une séance publique d’autographes, à l’occasion de la sortie de son prochain film, la jeune femme renonça pourtant à ce projet. Difficile d’aborder un sujet aussi intime au milieu d’une foule de fans hystériques et de journalistes à l’affût du moindre ragot.
Finalement, après réflexion, elle décida de se rendre simplement à l’adresse que sa mère avait donnée à sa grand-mère, Fabien l’ayant assurée qu’il s’agissait là de la résidence principale de la famille Lacroix. Quant à l’obstacle majeur de l’absence de rendez-vous et du barrage du garde du corps ou des domestiques, Irina avait en sa possession un document qui, elle l’espérait, lui ouvrirait en grand les portes de la maison, pour peu qu’elle arrive à le faire parvenir à l’actrice.

Le matin du jour où elle avait décidé de forcer le destin, Irina s’attarda devant sa commode, choisissant avec soin sa tenue. Fabien lui avait recommandé de troquer ses jeans et baskets contre une tenue plus féminine et plus adulte, aussi sortit-elle d’un tiroir le seul et unique tailleur qu’elle possédait. Agrémenté d’un chemisier clair, d’un collier et de boucles d’oreilles assortis et d’une paire d’escarpins classiques, ça ferait l’affaire.
Une ombre de mascara sur ses cils, du rouge sur ses lèvres et un nuage de son parfum préféré vinrent compléter ce « déguisement », achevant de transformer l’étudiante en musique un brin bohème en une parfaite secrétaire en mission pour un notaire de province.
Le taxi qu’elle avait pris la précaution de réserver l’attendait en bas de l’immeuble quand elle descendit et elle s’installa sur la banquette arrière, son sac posé à côté d’elle. Le ventre noué elle s’efforça d’apprécier ce trajet qui lui faisait découvrir toute une partie de Paris qu’elle ne connaissait encore que de nom. Les Tuileries. La place de la Concorde, les Champs-Élysées. La place de l’Etoile et les beaux immeubles du seizième arrondissement.
Une fois sortie de la capitale, le paysage perdit peu à peu de son intérêt devant sa nervosité. Machinalement, elle se répétait le petit discours qu’elle avait préparé à l’intention de la personne qui répondrait à son coup de sonnette.
Trop rapidement à son goût, le taxi s’arrêta devant une incroyable maison moderne, dans une rue calme d’une petite ville de banlieue huppée.
Descendant de voiture, Irina lissa d’un geste inconscient le tissu de sa jupe avant de s’engager sur la large allée qui conduisait au portail métallique près duquel trônait un interphone. Avançant à pas mesurés – elle était loin d’avoir l’habitude de porter des chaussures à talons hauts – la jeune femme eut tout le loisir de s’étonner qu’une telle construction puisse cohabiter avec les maisons classiques qui l’entouraient.
Les murs de la villa étaient d’un blanc éclatant, de même que le mur d’enceinte et la grille ouvragée vers laquelle elle se dirigeait. Mais le plus étonnant était l’absence de toiture inclinée en tuiles ou ardoises. Malgré sa méconnaissance des règles architecturales, Irina ne pouvait ignorer que cette résidence, par son originalité et sa taille, témoignait de l’incroyable richesse de ses occupants.
Arrivée devant le portail, c’est d’un doigt tremblant mais décidé que la jeune femme sonna à l’interphone.
– Résidence Lacroix, répondit une voix anonyme aux intonations métalliques.
– Bonjour, je… je… fit Irina, oubliant instantanément les quelques phrases qu’elle avait pourtant préparées avec tant de soin. J’aimerais avoir un… un entretien avec Nikki Lacroix. S’il vous plaît.
– Madame Lacroix ne reçoit que sur rendez-vous, répondit froidement la voix. Vous êtes priée de passer par son agent artistique.
– Non je… je ne suis pas une de ses fans ! s’écria précipitamment la jeune femme, de peur que son interlocuteur ne mette fin à la discussion sans attendre. Je suis envoyée par maître Brisson, notaire à Alès. J’ai des documents personnels à lui remettre.
– Pourquoi n’avez-vous pas pris rendez-vous, dans ce cas ? insista la personne à l’interphone, avec toutefois un peu moins de froideur dans la voix.
– Je suis navrée, j’ignorais que la personne que je devais rencontrer était aussi inaccessible. S’il vous plaît, laissez-moi vous remettre l’un des documents que j’ai en ma possession. Vous le montrerez à madame Lacroix et elle décidera si elle accepte ou non de me recevoir.
– Très bien, veuillez patienter quelques instants.
L’interphone grésilla encore quelques secondes, puis le silence retomba sur la rue calme. Résistant à l’envie d’essuyer la sueur qui coulait dans son dos à l’idée d’avoir failli rater cette chance, Irina sortit de son sac une copie de l’acte de décès de sa grand-mère rangée dans une grande enveloppe.
Des bruits de pas sur l’allée se firent alors entendre et le portail s’entrouvrit, le temps de laisser passer un homme de grande taille en costume sombre. Sans rien ajouter, Irina lui tendit l’enveloppe cachetée en le remerciant d’un sourire.
– Attendez ici, fit l’homme, avant de retourner sur ses pas, le portail se refermant aussitôt derrière lui.
À nouveau seule devant l’entrée de la villa, Irina poussa un profond soupir et commença à patienter pendant ce qui lui parut une éternité, trompant son attente en marchant de long en large devant le portail métallique.
Une dizaine de minutes plus tard, le majordome était de retour et invitait la jeune femme à le suivre.
– Madame Lacroix accepte de vous recevoir, lui dit-il tout en remontant l’allée pavée qui conduisait à la porte d’entrée de la maison.
Impressionnée à la fois par le professionnalisme glacé de son guide et le luxe qui se dégageait de l’immense piscine qu’elle apercevait derrière un muret de la même blancheur éclatante que le reste de la villa, Irina se contenta de hocher la tête en signe d’assentiment.

Une fois passée la large porte vitrée qui donnait sur le perron, la jeune femme fut subjuguée par le décor qui s’offrait à elle dans ce qui n’était pourtant que l’entrée de cette incroyable résidence. La pièce était plus grande que son propre studio et au centre ruisselait une fontaine intérieure. Dans le fond, mise en valeur par un éclairage subtil, une œuvre d’art torturée en bois précieux se détachait sur une tapisserie d’un doux bleu pastel.
Impressionnée par ce luxe tapageur, Irina sentit son estomac se nouer tandis qu’elle montait l’immense escalier qui menait à l’étage, toujours à la suite de l’imposant majordome.
Curieusement, les marches débouchaient directement dans une pièce aux proportions étonnantes.
Encore plus haute qu’elle n’était large, de forme octogonale, elle était éclairée par d’immenses baies vitrées qui laissaient apercevoir les gratte-ciels parisiens, au loin. Sur les murs, une tapisserie aux noirs motifs baroques était égayée par des chandeliers anciens. Des meubles d’un style classique côtoyaient un splendide piano laqué noir.
Près d’une porte-fenêtre donnant sur une terrasse, leur tournant le dos, se tenait une mince silhouette blonde vêtue d’un léger chemisier bleu au drapé artistique sur les épaules et d’une jupe droite grise qui lui arrivait au-dessus du genou. Ses jambes étaient gainées de soie et les sandales à fines lanières qu’elle arborait la grandissaient d’une dizaine de centimètres au moins.
– Votre visiteuse madame, fit le majordome d’un ton compassé.
Leur faisant alors face, la célèbre actrice Nikki Lacroix s’approcha d’eux d’une démarche aérienne. Le rapide coup d’œil qu’elle lui jeta donna à Irina l’impression d’être cataloguée d’un seul regard, une banale jeune femme porteuse d’une nouvelle qu’elle n’attendait pas.
– Je vous en prie, prenez un siège, fit-elle d’une voix musicale, tout en se laissant gracieusement tomber sur l’un des sofas tendus d’un soyeux tissu rouge.
Le cœur battant, Irina s’installa sur le canapé le plus proche et sourit timidement à la femme qui lui faisait face.
– Désirez-vous que je monte une collation ? s’enquit le majordome.
– Ce ne sera pas nécessaire Edmond, vous pouvez disposer.
Tandis que l’employé disparaissait dans l’escalier, un sourire étira lentement les lèvres de l’actrice. Un sourire qui était l’exacte réplique de celui qu’Irina pouvait voir chaque matin dans son miroir. Soudain persuadée que cette ressemblance allait forcément sauter aux yeux de sa mère, ses mains se crispèrent sur sa jupe dans l’attente du verdict qui allait tomber.
– C’est le notaire d’Hélène Pelletier qui vous a chargée de m’informer de son décès ? demanda pourtant l’actrice, loin de se douter des tourments intérieurs de la jeune femme. Vous en a-t-il donné la raison ?
Incapable de parler sans empêcher sa voix de trembler, Irina secoua négativement la tête.
– C’était une lointaine parente à moi, expliqua Nikki Lacroix d’un ton mondain, je suis sans doute son unique héritière.
– Je crois… je crois qu’elle avait une petite-fille qui vivait avec elle, risqua timidement la jeune femme, se maudissant intérieurement de perdre ainsi tous ses moyens.
– Ah bon ? fit l’actrice avec indifférence. Vous avez d’autres papiers à me remettre peut-être ?
– Non, je… je devais seulement vous informer du décès de cette personne et répondre à vos éventuelles questions.
– Très bien, vous avez admirablement rempli votre tâche, déclara Nikki Lacroix, se préparant déjà à congédier la jeune femme.
Prenant enfin son courage à deux mains, Irina se redressa sur le canapé et dirigea son regard droit dans les yeux de l’actrice. L’indifférence que cette dernière manifestait à l’annonce de la mort de sa propre mère la blessait.
– Vous ne me demandez aucune précision ? Sur les causes du décès ou les… les dispositions qui ont été prises pour son enterrement ? Ni même si elle avait rédigé un testament ?
– Est-ce vraiment nécessaire ?
– Et bien non, mais… ce sont des choses qui se font.
– Vous savez, je n’avais pas revu cette personne depuis plus de quinze ans et elle était assez âgée, remarqua Nikki Lacroix en haussant négligemment les épaules. Vous ne pensiez tout de même pas que j’allais vous jouer la grande scène des larmes ?
Choquée par cette remarque, Irina se leva pour mettre fin à cette rencontre qui était loin de se dérouler comme elle l’avait secrètement espéré – sa mère attristée demandant si la pauvre femme n’avait pas souffert, prête à se rendre en province séance tenante pour se recueillir sur sa tombe et tombant dans les bras de sa fille en apprenant son identité.
– Je suis navrée de vous avoir importunée, fit-elle d’une faible voix.
– Mais je vous en prie, la rassura l’actrice en se levant à son tour. Vous n’avez fait que votre travail mademoiselle… mademoiselle ?
Cette interrogation sortit enfin Irina de ses tergiversations.
– Irina Pelletier, déclara-t-elle avec simplicité.

Un silence.
– Irina… Pelletier… répéta l’actrice d’une voix blanche, se laissant retomber sur le sofa derrière elle. Oh mon dieu !… Mais alors vous êtes… tu es ma… ma fille ?
Que répondre devant l’évidence ? Irina se contenta d’acquiescer d’un simple geste de la tête, rassurée par cette réaction plus normale.
– Tu… ce n’est pas le notaire qui t’envoie ? réalisa soudain Nikki.
– Non, c’était juste un prétexte pour vous… pour te rencontrer.
– Mais comment… comment as-tu appris ? Ta grand-mère m’avait pourtant promis de ne jamais rien te dire.
– Parce qu’elle était au courant que tu étais Nikki Greene ? fit Irina, se sentant trahie à cette idée.
À son tour, l’actrice se contenta de hocher la tête.
– Si elle ne t’a rien dit, comment es-tu au courant ? insista Nikki, comme si cette question avait une réelle importance à ses yeux.
– J’ai découvert une de tes lettres dans ses affaires après sa mort. Tu lui donnais ton nom et ton adresse. Un de mes amis a fait quelques recherches, et me voilà.
– Un ami… Pas un journaliste ?
– Non, il est… il est juste très à l’aise sur Internet, éluda-t-elle, pressentant que le métier de Fabien n’entrait pas dans la catégorie des métiers acceptables pour l’actrice.
– Il n’a pas l’intention de vendre cette information aux journaux à scandales, j’espère ? fit pourtant cette dernière avec insistance.
– Non ! Bien sûr que non ! s’offusqua la jeune femme, choquée de voir que sa mère se préoccupait plus de sa réputation que de ses retrouvailles avec sa fille.
– Je suis navrée, s’excusa cette dernière semblant réaliser ce que sa réaction pouvait avoir d’égoïste. Dans ma situation, je ne peux pas permettre au moindre petit scandale d’égratigner ma réputation.
– Je… je comprends. Enfin je crois…
Dans le cœur d’Irina, la joie d’avoir retrouvé sa mère et de s’être fait connaître d’elle s’évanouissait peu à peu devant le caractère égocentrique de l’actrice.

À cet instant, un homme d’une quarantaine d’années, les cheveux châtains impeccablement coiffés en arrière et un costume sur mesure d’un bleu sombre mettant en valeur sa silhouette mince, s’avança dans la pièce.
– Nikki, ma chère, j’ignorais que nous avions de la visite.
– C’est une visite totalement inattendue, chéri, répondit cette dernière, un sourire charmeur sur le visage tandis qu’elle allait à sa rencontre.
Se levant à son tour, Irina hésita à s’approcher du couple, devinant sans difficulté l’identité de ce bel homme qui respirait l’opulence jusque dans les moindres détails.
– Irina, voici mon époux, Victor Lacroix, fit Nikki, remplissant admirablement son rôle de maîtresse de maison. Chéri, Irina est… elle est venue m’apprendre une bien triste nouvelle. Le décès de ma mère.
– Oh très chère, je suis terriblement navré pour toi, compatit Victor Lacroix, posant tendrement sa main sur celle de sa femme.
Puis il se tourna vers la jeune femme qui attendait patiemment que sa mère la présente à son tour.
– Vous connaissiez bien la mère de mon épouse ?
– Oui, très bien, je suis sa… commença Irina.
– Désolée chéri, je manque à tous mes devoirs, l’interrompit vivement Nikki. Irina est ma… ma nièce, elle vivait avec ma mère depuis toujours.
Sa nièce ? Irina crut avoir mal entendu. Mais le regard appuyé que l’actrice lui lança alors qu’elle s’apprêtait à protester suffit à la persuader qu’elle n’avait pas rêvé. À contrecœur, elle garda le silence.
– Ma… ma sœur aînée s’est retrouvée enceinte alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente, continua Nikki avec volubilité. Malheureusement, elle est morte à la naissance d’Irina et c’est ma mère qui l’a élevée. Je ne crois pas qu’elle se souvienne de moi, elle était tellement jeune quand je suis montée à Paris pour faire carrière, n’est-ce pas ? insista-t-elle à l’intention de la jeune femme, ses yeux aussi durs que des agates.
– Euh… oui… je n’ai gardé aucun souvenir de cette période, balbutia Irina, complètement perdue.
Pourquoi sa mère inventait-elle un tel mensonge ? Était-il possible qu’elle n’ait jamais parlé de sa fille à son mari ? Non, c’était impensable.
– Toutes mes condoléances Irina, fit Victor Lacroix avec une sincérité évidente. Cela a dû être très dur pour vous de perdre votre grand-mère, si vous n’avez jamais connu votre mère.
– Merci, lui sourit la jeune femme avec reconnaissance, c’est encore très douloureux pour moi.
– J’espère que vous êtes dans la région pour encore quelques jours, poursuivit l’homme d’affaires. Il faut absolument que vous veniez dîner à la maison et que vous fassiez la connaissance de la belle-famille de votre tante.
– Voyons chéri, intervint Nikki, visiblement contrariée par cette idée, Irina doit avoir hâte de rentrer chez elle.
– En fait, je suis étudiante au Conservatoire de musique de Paris, avança timidement la jeune femme.
– Quelle heureuse coïncidence, remarqua Victor avec un large sourire amical. Dans ce cas, pourquoi ne vous joindriez-vous pas à nous vendredi de la semaine prochaine ? Rassurez-vous, ce sera un dîner intime, juste mon jeune frère, ma sœur, son mari et leur fille. Nous serions charmés d’en apprendre plus sur l’enfance et la famille de notre chère Nikki.
– Et bien, c’est très aimable à vous. Je suis touchée, sincèrement, mais je ne voudrais pas m’imposer, s’excusa Irina, se préparant à refuser cette charmante invitation.
– Tu vois chéri, tu la mets mal à l’aise avec ton insistance, s’empressa de renchérir Nikki, manifestant clairement sa désapprobation à cette idée.
– Mais non, pas du tout, protesta Irina, que l’attitude froide de sa mère dérangeait bien plus que le chaleureux accueil de son mari.
– Dans ce cas, nous vous attendrons vendredi à dix-neuf heures, s’empressa de conclure Victor du ton ferme d’un homme qui a l’habitude d’être obéi sans discuter.
Sous le regard réprobateur de sa mère, toujours aussi visiblement hostile à cette idée, Irina ne savait comment se sortir de cette situation gênante.
– Écoutez, je vous promets d’y réfléchir, finit-elle par répondre.
– Mais oui, après tout, tu as peut-être déjà d’autres projets avec tes amis, fit Nikki, un sourire crispé sur son beau visage.
« Elle ne veut vraiment pas que je vienne », songea la jeune femme avec chagrin. « Pourquoi ? A-t-elle si peur que je révèle qu’elle est ma mère, et non ma tante ? Et pourquoi tous ces mensonges ? »
– Vous n’aurez qu’à nous tenir au courant de votre décision, suggéra alors l’homme d’affaires. Vous avez le numéro de téléphone de la résidence, bien sûr ?
– Je vais lui donner une de mes cartes de visite, proposa l’actrice avec un empressement surprenant.
Soulagée à l’idée que sa mère change finalement d’avis, Irina s’apprêtait à la remercier d’un sourire quand Victor eut un rire discret.
– Enfin chérie, où as-tu la tête ? la taquina-t-il. C’est ta nièce, tu ne vas pas lui donner le numéro de téléphone de ton agent !
– Oh oui, suis-je bête ! fit Nikki avec un sourire amusé qui n’atteignait pas ses yeux.
– Tenez Irina, prenez celle-ci, dit Victor en lui tendant une carte qu’il venait de sortir de la poche intérieure de sa veste. J’espère que vous serez des nôtres à ce dîner.
– Merci.
– Je vais raccompagner Irina, proposa alors l’actrice d’un ton qui ressemblait fort à un ordre.
« Je suis congédiée », se dit la jeune femme. « Je crois qu’elle n’apprécie vraiment pas ma venue. »
Suivant sa mère dans l’escalier après avoir rapidement pris congé du mari de celle-ci, Irina s’interrogeait.
N’avait-elle pas eu tort de vouloir rencontrer une personne qui l’avait volontairement ignorée pendant toutes ces années ? À quoi s’attendait-elle donc ? À des retrouvailles larmoyantes dignes d’un de ces feuilletons de l’après-midi que sa grand-mère affectionnait tant ? Quelle naïveté de sa part !
Non, vraiment, venir ici avait été une erreur que la jeune femme regrettait déjà amèrement.