Jour 3

Après deux journées sans penser officiellement à lui, je retrouve Monsieur Lama avec impatience le lundi soir.
Comme annoncé dans le mode d’emploi, il a séché sur pattes, plus aucune trace de gélatine sur son corps d’une blancheur terreuse sur lequel les graines font comme autant de boutons d’une acné d’un genre particulier. Ça me fait presque penser à l’attaque de mini-tiques sur un pauvre animal à l’agonie, pas très poétique tout ça…

Bref, l’étape du jour consiste à remplir d’eau le corps de la bête, pour réhydrater les petites bestioles par capillarité. Je m’exécute en inclinant précautionneusement notre pichet en verre sur l’ouverture dans le dos. Rapidement, l’eau affleure à la surface.
Il est bien précisé dans le mode d’emploi qu’il faut également réhydrater la tête et le cou de l’animal. Pour cette tâche plus délicate, je m’arme d’un brumisateur – terreur des chats ! – et je pschitt-pschitte le lama.
Il a l’air content, non ?

 

Jour 4

Pendant la nuit, l’eau versée dans le corps de l’animal a traversé sa peau en terre et s’est écoulée dans l’assiette. Monsieur Lama a les pieds dans l’eau, on ne voit même plus qu’une de ses pattes est plus courte que les autres et qu’il est bancal, le pauvre !

Si j’ai bien compris le processus, la statuette en terre va progressivement réabsorber l’eau, ce qui permettra aux graines de chia de conserver une humidité suffisante pour germer. Au bout de combien de temps ? Ça, par contre, ce n’est pas précisé.

 

Jour 5

Avant de partir travailler le matin, je vérifie l’état de l’animal et de son environnement : pas d’inquiétude, l’assiette est encore bien remplie d’eau et le lama se reflète doucement sur la surface lisse.
Ce qui explique que le soir venu, je ne me précipite pas pour lui prodiguer mes soins quotidiens. J’attends que Chamallow émerge de la petite pièce qui est devenu son bureau depuis le début de la crise sanitaire et dans laquelle il tient désormais des réunions (tardives) en visioconférence.
Il est donc plus de vingt-deux heures quand je m’approche enfin de lui.

Et là, horreur !
L’assiette est sèche, la peau de Monsieur Lama est sèche, les graines de chia sont sèches… Je sens la détresse de l’animal, surtout quand Chamallow m’avoue qu’il l’a brumisé à plusieurs reprises dans la journée pour retarder son trépas.
Je tente de maîtriser la panique. Vite, il faut le réhydrater ! « Docteur Carter ! Docteur Carter ! Un litre de physio en intraveineuse ! »

Je verse précipitamment de l’eau salvatrice dans le corps de mon lama, j’humidifie son museau à l’aide du brumisateur qui ne quittera plus son chevet et j’attends fébrilement de le voir reprendre vie.
L’effet est presque immédiat, l’eau s’infiltre à travers sa peau, déposant à nouveau une humidité nécessaire sur les graines de chia et reconstituant la mare dans laquelle il doit baigner.

Ce soir, j’ai fait une découverte qui, j’en suis sûre, fera progresser la science pour les générations futures : le lama doit toujours avoir les pieds dans l’eau !

 

Jour 6

Pieds dans l’eau ? Check !
Graines de chia mouillées ? Check !
Brumisateur sur les parties sèches à plusieurs reprises durant ma journée de télétravail ? Check !
Bilan de la journée ? RAS 

C’est quand que ça commence à pousser ?

 

Jour 7

Par précaution ce matin, je décide de remettre de l’eau dans le corps du lama alors qu’il a toujours les pieds qui baignent. On ne sait jamais, le dessèchement est venu si vite l’autre jour. Je descends donc de l’étagère Monsieur Lama dans une main et l’assiette plate remplie d’eau de l’autre.
Mauvaise idée !
Évidemment, j’incline l’assiette sans m’en apercevoir et l’eau se déverse sur le sol, sur la table… et sur la documentation de ma formation en visioconférence, à deux doigts de l’ordinateur du boulot. Et merde !

Je répare tant bien que mal les dégâts et ce n’est que le soir que Chamallow attire mon attention sur l’évolution de l’état de la bête. Certaines graines de chia ont fendu leur habillage sombre pour libérer la future pousse en elles. Mais si, tout en bas, presque entre la patte avant droite et la patte arrière droite, il y a quelques points plus clairs.

Le pelage de Monsieur Lama va bientôt commencer à pousser !
Danse de la joie devant la bibliothèque !